D’après les références historiques dans le poème, il a été écrit vraisemblablement entre 1709 et 1711, en pleine Guerre de succession d’Espagne. O’Rathaille ne mentionne pas la Guerre Russo-Suédois qui fait rage pendant ces années.
Malgré de mauvaises récoltes et des famines, la France poursuit la guerre en Espagne, en Flandres, à ses frontières, et au Québec. En1709, la France perd la Flandre Espagnole, reprend Tournai mais perd Mons, et arrête l’avancée des Austro-espagnols à Malplaquet ; en 1710 les négociations de paix échouent, et l’armée française subit des revers en Espagne ; en octobre 1711, la France reconnaît le droit de la lignée protestante au Royaume-Uni, ce qui aurait été signalé par le poète.
Le Serment d’Abjuration de 1709 visait à encadrer les catholiques en leur demandant un serment d’abjuration de la lignée de Jacques II, en retour d’une plus grande intégration à la vie civile d’où ils étaient exclus d’office. Une campagne de dénigrement anti-Stuart, probablement d’origine Whig, prétend que Jacques François n’était pas le véritable fils de Jacques II et que le fils d’un maçon (bricklayer) avait été introduit à la place du vrai dauphin, qui serait mort-né.
L’intention du poème n’est pas de commenter la position géostratégique, mais d’exhorter les catholiques à ne pas se damner avec le nouveau Serment. Comme la plupart des « prophéties », le poème prédit une victoire jacobite et un retour d’un roi catholique sur le trône des trois pays.
Le schéma métrique s’appuie notamment sur des pieds anapeste qui donnent un mouvement vigoureux aux lignes, et permettent au déclamateur une précipitation dramatique. En permettant des élisions (ici dans la quatrième ligne) la première strophe est d’une rigueur étonnante ; il me semble qu’O’Rathaille visait la puissance d’impression plutôt qu’une harmonie subtile.
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Dans cet enregistrement nous cherchons à imiter une déclamation d’incitation.
La prophétie de Donn Fhírinne[1]
Vous émouvez-vous que les loups de la parjure et de la sombre perfidie
Bannissent les prêtres et les mettent tous en captivité ?
Hélas ! épuisé, le fils de Charles[2] qui était notre roi
Est mis seul dans sa tombe, et son noble fils[3] est en exil !
C’est une profanation perverse, c’est une trahison de la part de ce peuple maléfique,
Avec des faux serments endurcis, scellés et écrits,
Que de prétendre à la face de nos clergés et de nos savants,
Que les enfants de Jacques n’héritent pas la noble couronne des trois royaumes.
L’orage sera arrêté par la grand-force du soleil,
Et cette brume se dissipera sur les familles de la race d’Eibhir ;
L’Empereur sera éploré et la Flandre subjuguée,
Et le bricklayer sera à la mode dans les chambres du roi Jacques.
L’Irlande sera enjouée et ses forts seront gais
Et le gaélique sera étudié dans leurs murs par les savants ;
L’anglais des rustres noirs sera humble sous les nuages,
Et Jacques dans son cour clair donnera assistance aux Gaëls.
Cette Bible-là de Luther et sa doctrine noire de faux témoignage,
Et cette troupe coupable qui n’obéit pas au vrai clergé,
Seront chassées d’Erin à travers les pays jusqu’en Newland[4] ;
Louis et le Prince auront leurs cours et leurs assemblées !
[1] D’après Dinneen, il s’agit de Donn, un puissant fée de Knockfeerina près de Ballingarry, Co. Limerick
[2] Jacques II (1633 – 1701)
[3] Jacques François Stuart (1688 – 1766)
[4] Terre-Neuve au Canada