Sur la mort de trois enfants de Tadhg Ò Cronan

Dans ce très beau poème, Egan emploie ses lignes puissantes pour consoler et rappeler l’espoir de la foi, après la noyade de trois petits enfants. Mais ce ne sont pas des mots lénifiants, les images n’adoucissent pas l’horreur de la mort. Bien au contraire, nous sommes transportés sur la bouche même de la tombe, et nous voyons les beaux enfants, graciles et purs, qui gisent dans la boue où grouillent les vers. Comment expliquer la violence des oppositions qui structurent le poème, ces contrastes forts de destruction et de grâce ? Ne peut rasséréner que l’acceptation par les parents de cette fatalité cruelle ; contre le malheur absolu, il n’est que l’espoir en une vie après la mort.

C’est un poème de huit quatrains aux lignes de quatre syllabes accentuées. Voici le schéma métrique des deux premières strophes (l’anomalie de la première ligne étant dû aux deux syllabes accentuées du toponyme Ráth Mór) :

– /é/ – /o//O/ – /é/ – – /O/

– /é/ – – /é/ – – /é/ – – /O/

– /é/ – /O/ – /é/ – – /O/

– – /é/ – – /é/ – – /é/ – – /O/


– /é/ – – /O/ – /é/ – – /O/

– /é/ – – /é/ – – /é/ – – /O/

– /é/ – – /O/ – – /é/ – – /O/

– /é/ – – /é/ – – /é/ – /O/

Dans ces deux premières strophes on peut entendre la force des images de ruine et de destruction :

Sur la mort de trois enfants de Tadhg Ò Cronan

Rathmore gémit, ses voiles furent déchirées,

Tout son bonheur fut ruiné, et la maison fracassée de chagrin ;

Un dense brouillard – à ne plus voir le sol ! – tomba

Sur la belle résidence qui était la plus accueillante – la nouvelle m’afflige et me peine.


Détruite violemment comme par une grande marée puissante

Qui abîme les meubles et bijoux, qui noie l’abri et la musique !

Détruite comme par l’étincelle qui saute au pignon et qui brûle

Les belles couettes coûteuses et les nobles gobelets d’or !


Amertume asphyxiante et angoisse du cœur ! Blessure pénible sans remède !

Malheur intense dans tout le pays, et fièvre noire maladive,

Envie de pleurer sans répit, fatigue de poitrine et convulsions –

Eileen est dans l’argile du cimetière, avec Diarmad et Tadhg !


Ô Dieu, qui as souffert l’insulte et la blessure de l’Aveugle,

À ta lumineuse maison conduis ces trois enfants, arrachés de la vie ;

Donne la sagesse en abondance à leur père généreux, je t’en prie,

Qu’il s’incline devant ta volonté divine, Ô Vision.


Trois perles sans tache, aux manières les plus courtoises et cultivées,

Trois douces lumières du soleil, trois enfants également habiles en action,

Trois épis qui ne se penchaient pas, pas avancés en âge,

Trois étoiles en accomplissements et en paroles sans vanité.


Trois cordes harmonieuses, trois vallées dans le pays,

Trois enfants-saints qui vouèrent un grand amour au Christ ;

Leurs trois bouches, leurs trois cœurs, leurs trois nobles corps dans la tombe,

Leurs trois visages, qui étaient luisants, livrés aux vers de terre – c’est anéantissant !


Trois vignes tendres, trois vraies colombes sans rage,

Les trois premières pommes d’une branche noble et de verger royal ;

Les trois beaux timons de la maison, qui ne rejetèrent aucun pauvre enfant indigent,

Leurs trois minces tailles, leurs joues fines qui remplissent mon cœur de noir.


Trois fois je meurs par leur mort, il y a trois sources de douleur à ma douleur !

Trois grâces uniques de l’Ordre des Saints sont ces trois aux corps parfumés,

Puisque le cimetière s’est emparé de trois enfants, charmants, polis et gais,

Ô Seigneur, dirige vers ta Cour Royale celui-ci, celle-ci et celui-ci.